Notre critique : “Makala” – Emmanuel Gras

Une narration et une esthétique singulière pour parler de l’incroyable quotidien de Kabwita, un père de famille charbonnier, et de l’or noir du Congo, le charbon de bois. Makala est bien un documentaire

Charbon de bois en Lingala, dialecte principal en République du Congo, se dit Makala. C’est aussi le titre du documentaire réalisé par Emmanuel Gras (grand prix de la semaine de la critique à Cannes en 2017). Dans un environnement dévasté par la déforestation, Kabwita vend du charbon pour faire vivre sa famille. Couper un arbre, créer un four à charbon, transporter ce combustible à pied pendant 50 km… Tout cela semblerait banal à l’écrit. Mais Emmanuel Gras donne toute sa dimension et sa force à cet incroyable quotidien.

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Le film nous balance entre documentaire et fiction, même si ce n’est pas l’avis d’Emmanuel Gras, comme il l’a expliqué lors d’une avant première à Lyon le 7 novembre 2017. La chronologie et les essais stylistiques dessinent une narration et une esthétique singulière. On en a simplement peu l’habitude. Emmanuel Gras caractérise son regard par une recherche technique sur l’image permettant ainsi de sortir du documentaire “brut de brut”. Pourtant, les plans les plus beaux sont les plus simples, le réel parle de lui-même.

Certains plans, tout en durée, nous prennent le cœur pour ne plus nous lâcher. L’écriture presque naturelle nous enchaine à une histoire au suspense surréaliste. Que va-t-il se passer ? La réalité de Kabwita est transcendante. Qui sommes-nous dans notre siège de cinéma face à cet homme à l’épreuve de lui-même et de son environnement ? C’est pourtant bien un documentaire.

Les compositions de Gaspar Claus donnent un ton unique à cette réalisation et résonnent subtilement avec l’image. Bien loin des clichés “Afrique = tambour“, la lourde quête de Kabwita est magnifiquement accompagnée au violoncelle. Un assemblage puissant pour nous mettre à genoux devant un personnage qui a beaucoup de mérite. Seul face au monde, Kabwita ne demande rien et pourtant j’ai eu envie de l’aider.

Quentin Duforeau

Pour aller plus loin

Télérama : “Le moment le plus extraordinaire de Makala est sans conteste cette longue marche du jeune homme dont le petit vélo est surchargé de charbon de bois…” – Article complet

First showing : “We really are living in the Golden Age of documentaries.” – Full article

Cineuropa : “Un hombre sale al alba de su pequeño pueblo con un bidón de agua en la mano y dos hachas bajo los brazos y recorre a solas las cuestas despejadas…” – Artículo completo