La table ronde de Boostyourfilm en six points

A l’occasion de sa soirée de lancement Boostyourfilm s’est penché dans le cadre d’une table ronde sur la thématique des talents émergents et des productions audiovisuelles subventionnées, en voici les meilleurs moments.

table ronde

Pour sa soirée de lancement Boostyourfilm a organisé une table ronde sur la thématique des talents émergents et des productions audiovisuelles subventionnées. Une thématique évidente pour Boostyourfilm qui est un réseau social multilingue dédié aux projets de films et au cinéma indépendant au sens large, un réseau qui s’adresse directement aux talents émergents.

Autour de la table cinq intervenants : Bérengère Dastarac fondatrice de NoWave cinéma (plateforme vidéo à la demande par abonnement), Stéphane Roche fondateur et producteur de la société Arts Films, Olivier Attebi professeur à l’université Lyon II et par ailleurs directeur de Capitale TV, Victor Gautreau réalisateur et producteur (D’Boites productions) et Carole Mangold productrice (Y-N productions La cuisine aux images).

La définition du cinéma indépendant

D’emblée le débat a porté sur la toujours difficile (parce que très diverse) définition du cinéma indépendant. Comme l’a résumé Carole Mangold ce sont des rapports de force et un équilibre à trouver entre l’indépendance portée par les auteurs et défendue par les producteurs et les impératifs économiques revendiqués par les diffuseurs.

Nouveaux réseaux et plateformes

Et très rapidement la thématique des nouveaux réseaux et des plateformes s’est imposée. Les plateformes vont devoir rentrer dans un système et participer aux aides à la création comme l’a souligné Olivier Attebi sur l’exemple de la taxe Youtube avant que Bérengère Dastarac dont la plateforme propose des contenus très indépendants plaide pour la création d’un fonds de cinéma indépendant pour créer quelque chose qui ne soit pas « filtré » par le CNC et d’ajouter “on écrit pour le CNC et on entre dans des cases. Pour y échapper on doit créer des espaces de diffusion indépendant et des espaces de financement indépendants.”

Stéphane Roche a alors constaté les différences de perception en fonction des espaces de diffusion. Pour lui, on dehors des salles on ne peut pas avoir le même ressenti, on n’est plus sur du cinéma mais sur de l’audiovisuel : “ce n’est pas moins bien ou mieux, c’est un autre support et une oeuvre sera donc fabriquée en direction d’un public et d’une diffusion”. Une position nuancée par Bérengère Dastarac qui a cité des productions de films d’auteurs émergents américains par Netflix comme Okja, Swiss Army Man et The Bad Batch et donc non destinée à la salle dès le début. D’un autre côté le système français fait que trop de films sortent en salle alors que ce n’est visiblement pas leur destination naturelle.

Trop de films sortent en France

Toujours pour Bérengère Dastarac il est “très compliqué de diffuser en salle tous les bons films qui existent, en revanche on voit, toujours en salle beaucoup de films qui sont très médiocres et qui répondent uniquement à des impératifs de business.” Même constat de la part de Stéphane Roche : “c’est dû au financement traditionnel français qui fait que pas de sortie salle pas de financement CNC. Autre problème que nous avons en France : trop peu de téléfilms car tout le monde veut sortir en salle sauf dans le cadre de commandes très précises des chaines qui veulent tel thème avec tel acteur et tel lieu de tournage mais où est alors la création ?”

Comment un talent émergent peut-il trouver sa place dans les réseaux ? 

Victor Gautreau a alors présenté le CLAP (Collectif lyonnais d’artistes polyvalents) et son pole audiovisuel qui supplée à l’absence de réseau et qui s’adresse notamment à des étudiants qui donc n’ont pas de réseau mais l’envie de faire un film avec en arrière plan des plateformes pour la diffusion. Et d’évoquer « Projet frangin » actuellement en production avec une idée partie d’une discussion de canapé pour finir par intéresser France télévision avec, entre les deux, des recherches de financement et subventions (Ville de Villeurbanne, CROUS, Kiss Kiss Bank Bank…) qui ont permis de mettre les moyens dans la production et la postproduction d’un pilote (sans pour autant pourvoir payer les gens). Olivier Attebi a constaté deux choses : la réactivation, avec le CLAP, d’un système associatif qui prend le relais sur les nouvelles écritures mais aussi l’ouverture des fonds d’aide aux supports numériques : « Les conseils que je donne à tous les jeunes qui voudraient se lancer c’est d’abord de rentrer dans le tissu associatif de production et de diffusion avant d’aller rapidement rencontrer les institutions car ceux qui les font fonctionner ce sont des gens de la profession. La plateforme qui nous invite ce soir et qui met en relation les auteurs avec les professionnels et les amoureux de cinéma est dans ce cadre une très bonne initiative. »

Autre conseils donnés : la prise de contact avec le Fonds d’aide à l’innovation, le Bureau des auteurs ou encore avec le CNC et sa structure d’Aide sélective à la production. “Soit vous voulez en faire votre métier soit c’est un loisir, a ajouté Stéphane Roche. Si vous voulez en faire votre métier il faut y passer 12 heures par jours, il faut écrire et réécrire, envoyer et renvoyer ses dossiers. C’est un vrai métier.”

Le constat général de frontières de plus en plus floues

Avec la fin de la pellicule s’est effacé en grande partie une frontière entre deux mondes : amateur et professionnel.  Pourtant comme l’a souligné Stéphane Roche le problème de la diffusion reste avec la nécessité de rémunérer tous ceux qui participent à la réalisation d’un film. Autre passage obligé, une maturité nécessaire pour la réalisation d’un long métrage de fiction (aujourd’hui la moyenne d’âge de la réalisation d’un premier court c’est 33 ans et d’un premier long c’est 40 ans). Bérengère Dastarac a insisté sur le fait que la création a beaucoup de mal à émerger et que la seule solution est de trouver des espaces de productions et de diffusions indépendants. Pour elle les frontières entre les destinations finales des productions, salle ou internet, sont très floues et ce sont les usages qui doivent être placés au centre des décisions de productions. Carole Mangold a rappelé l’ouverture donnée par Netflix qu’elle précise avoir d’ailleurs approché pour un projet et “qui est à la recherche de projets ambitieux avec de nouveaux talents, de nouvelles écritures.. tout cela est en train d’émerger.”

Peut-on vivre avec des courts métrages et des documentaires en région Rhône-Alpes ? 

L’idéal c’est déjà de ne pas perdre d’argent a constaté Stéphane Roche. C’est un marchepied pour la suite mais il est très difficile de rentrer dans ses fonds. A titre d’exemple pour 96 dossiers de demandes de subventions déposés à la région Rhône-Alpes l’an dernier 3 ont été aidés… Et Carole Mangold (par ailleurs ancien membre de la commission de la région Rhône Alpes Audiovisuel) d’ajouter qu’en région Rhône Alpes il est très difficile et compliqué d’avoir accès aux informations et de savoir ce qui s’est dit dans une commission alors que dans d’autres régions comme en Provence Alpes Côte d’Azur, ou dans la région du Nord, on est très bien reçus même si on vient d’ailleurs. Pour le reste il faut chercher des financements ailleurs que dans les institutions, dans le participatif sur les plateformes « sur France 3 région on fait 20/30 000 vues alors qu’en quelques jours sur Youtube on fera 50 000 vues. On ne touche rien là-dessus parce que le modèle n’est pas encore en place mais c’est un très bon moyen de montrer le film et de le faire vivre.” Ce qui n’a pas manqué des réveiller des scepticismes car de fait Youtube gagne de l’argent grâce à du contenu pour lequel la plate-forme n’a rien déboursé…

Reste d’autres plateformes comme Tënk qui elles jouent le jeu mais sont effectivement d’un accès payant.

Ph.Mt